« Je sens fort bien que je ne suis qu’une machine à livres. »

« Je sens fort bien que je ne suis qu’une machine à livres »
C’est ce qu’écrit Chateaubriand, l’auteur des Mémoires d’Outre-tombe, dans une lettre à la duchesse de Duras, datée du 3 juillet 1812.

Duras, une autre, forcément. Celle-là se prénomme Amédée.

On trouve cette citation de Chateaubriand dans Les Mots de Sartre (déformée, « je sais » au lieu de « je sens »)

Chateaubriand et son XIXème siècle. « Je sens fort bien que je ne suis qu’une machine à livres ».
Il y eut Gutenberg et sa presse. Puis il y eut l’écrivain, comme une machine à livres.

Cette machine humaine a-t-elle un mouvement infini ? À la fin de sa vie, rêvant d’obtenir l’indulgence que l’on témoigna au peintre Poussin dans son grand âge. Chateaubriand a cette formule dont on pourra s’amuser : à 75 ans, je ne suis pas Poussin. Oui, sorti de l’œuf depuis longtemps, Chateaubriand, l’auteur de René, presque mort (il meurt à 80 ans), s’interroge sur son art déflorissant.

En 1812, il a la quarantaine. Au milieu du gué. « Je sens fort bien que je ne suis qu’une machine à livres ». Est-il agacé ? Il y a pourtant de belles machines. Aux rouages bien graissés.

« Je sens », je m’automatisme, je me robotise. Pas écrivain comme une IA, mais au point d’oublier qu’on écrit, comme un mouvement naturel. Un pas devant l’autre.

Hugo idolâtrait Chateaubriand. Et il en fallait pour que « Ego, Hugo » soit impressionné. Hugo fut aussi une machine à livres, dans tous les genres littéraires qui plus est. En exil, Hugo n’avait rien d’autre à faire qu’écrire. La bonne occas’ !

Un blog est comme un exil choisi. Un blog comme une machine à écrire branché sur un réseau. Rien dans les mains, tout dans les mots.

Une machine à livres, oui, mais une machine en mouvement, à explosion, enthousiaste, une machine à voir, une machine à coudre un tissu social déchiré, une machine à laver pour retrouver la couleur des mots, une machine à bulles.