À notre gauche, un biologiste, paléontologue, philosophe. C’est Thomas Henry Huxley (1825-1895). Le grand-père d’Aldous, lui-même père du Meilleur des Mondes (1932). C’est l’un des plus grands soutiens des thèses de Darwin, « l’homme le plus dangereux du monde », mais peu à l’aise en face du clergé. Darwin laissa donc Huxley, cette boule de fougue, ferrailler dans l’arène. Cet ardent défenseur des théories de son ami hérita donc du surnom de « bouledogue de Darwin ». Sa vision d’une guerre « de chacun contre chacun », d’une jungle à l’éthique fugace lui vaudra les foudres du prince Kropotkine, l’anarchiste russe, plus sensible à une dimension d’entraide (fourmis, abeilles, loups…)
Mut, c’est pas mal, non ?, pour un chien dans un film muet. Mute, en anglais, ça veut dire muet. Je le dis pour ceux qui ont des douleurs avec l’anglais. Cela dit, mute-muet, cela relève de l’anagramme franco-anglais, non ? Parait que nous avons beaucoup moins d’expressions vocales que nos amis (hum) les chats. 10 seulement contre 100 pour les (hum) chats. Vous voyez, je peux d’autant plus m’appeler Mut. Rapport à mon langage soi-disant peu développé…
Comme tout artiste, j’ai pris un nom de scène. Au cinéma, dans les génériques, mon nom, c’est Scraps. Dans la famille canidés qui compte des dizaines de genres et des trentaines d’espèces, je suis du genre Canis cinematographicus. C’est du latin, ça fait chic, mais, dans ce monde de brutes, ça m’évite surtout d’être associé aux chacals (j’en ai connu dans le milieu) ou aux renards (j’en ai connu aussi, pas les pires, d’ailleurs). Je suis un de ces nombreux animaux de cinéma. Une vraie ménagerie : lion, chat, cheval, singe… Il y en a eu des tas. Et parfois plusieurs à la fois avec ce fils spirituel de Charlie, Jim Carrey. Chez les chiens, on parle de Rintintin, Lassie, Beethoveen ou de tous ceux qu’on voit dans la filmo de Tim Burton : Speck, le chien-fantôme Zéro et puis, forcément, le chien-squelette, dans les Noces Funèbres. Son nom ? c’est Scraps, comme moi.
C’est en janvier 1918 que je suis passé devant ma première caméra. A quoi je ressemble ? Je suis un bâtard, comme on dit. Chaplin avait d’abord pensé à un teckel. Incontrôlable. Puis à un loulou de Poméranie. En vain. Ce fut moi, l’élu : le bâtard. Les plus équilibrés dit-on. Petit chien américain, trouvé à la fourrière de Los Angeles, je suis blanc avec une tache noire sur l’œil gauche, qui a la forme de l’État de Virginie-Occidentale. Elle s’étend jusqu’à mon oreille gauche et se divise pour être traversée d’un trait blanc. Sous la truffe, les photos témoignent d’une petite ombre noire, rectangulaire. Oui, ma tache ne ment pas. Mon attachement à Chaplin était écrit dans mes gênes. Nous étions faits pour nous rencontrer.
Et si on faisait une petite prose ? L’objet en poésie, ça vous dit ? On y parlerait d’objet d’admiration pour oublier les objets de consommation. Et ce ne serait pas triste. Des textes à la manière de Francis Ponge. Vous avez vu ? Le dernier mot qui m’a servi était Ponge.
Le collier de mon chien est un collier plat, à boucle.
Il est rouge, comme celui de tous les chiens, je crois.
L’affection de Taniguchi pour les chiens fait dessin, fait sens, fait chaud au cœur. Cases à truffes. Le Tam-Tam de Terre de rêves, le chien d’aveugle des Enquêtes du limier, Le chien Blanco, voilà ses Taniguchiens. Des animaux Jirôïques.
Taniguchi, en lecteur de London, a répondu, à sa manière, à l’appel de la forêt. Les arbres, il en a fait des crayons pour donner vie à des chiens. Jirô a lu Jack et l’a continué. Ces Taniguchiens préfèrent être croqués plutôt que de s’empâter de croquettes.