L’anaphore de café, version Pigalle

Tu peux préparer le café noir…et une bonne chanson.

Le café et la chanson.

Il y a la mélancolie et le mouchoir d’Eddy Mitchell, il y a la couleur café de Gainsbourg, il y a l’impératif lancé par L’Affaire Louis Trio, il y a l’ascension caféinodélirante d’Oldelaf et Monsieur D pour bien commencer sa petite journée…toutefois pas de Percol Harum chantant « A whiter shade of coffee ».

Et puis il y a cette découverte récente. Du groupe Pigalle. Et pourtant la chanson fut un succès et réclamée en concert.

C’est sur leur premier album. On est en 1987. L’album s’appelle Pigalle (il se souvient quand le mot « éponyme » fleurissait partout). La chanson s’intitule « Il boit du café ». La chanson est la piste n°2, juste après « J’t’aime bien ».

Et justement « Il boit du café », j’t’aime bien.

La chanson se fait fugitivement orientale. Puis très rapidement elle vire de rythme. Il boit du café…La chanson use de l’anaphore, la figure de style la plus rabattue depuis l’élection de François Hollande. « Il boit du café » est une figure de style, une trope du genre psychotrope.

Chaque vers, chaque tasse commence par « Il boit du café ». Quasi une vingtaine de fois, à quoi s’ajoute un refrain truffé de café. Un café moulu par le rythme punk. Voire ska’fé.

François Hadji-Lazaro chante à bout de souffle. La voix gratte comme un café qui passe, qui crachote. Hadji-Lazaro joue des contretemps, crie, hurle. Cette tasse redoublée aide à tenir son personnage, à tenir sa carcasse. Dans le débit, on sent le tremblement, l’agitation. Un rythme expressopunk.

Une tasse remplie pour exprimer un manque. Quand on aime le café, dans ce « Il » on se noie, on se voit. On a de l’empathie. Il boit du café pour ne pas avoir le temps de dire ce qui ne va pas.

On est dans la tradition de la chanson à boire. À boire du café. Elle le martèle comme on frappe le comptoir pour en demander un autre. Un appel au secours qui vient d’un désordre. Une consommation effrénée en attendant que ça se tasse ? Cercle vicieux. Explicit lyrics à consommer du café.

Dans l’album suivant de Pigalle, le fameux Regards affligés sur la morne et pitoyable existence de Benjamin Tremblay, personnage falot mais ô combien attachant, piste 15, un personnage, à l’auberge du chaland qui passe, boira du café tasse sur tasse, les yeux couleurs canal (« Le chaland »). Le chaland et le café qui passent.

Il boit du café et il va à la manif.