En tant que/En tank

Il n’aime pas l’expression « en tant que ». Elle lui semble lourde et pour le dire clairement lui fait l’effet d’un tank (tant-que). C’est l’argument rouleau-compresseur.

« Tant que »…il entend que…tank.

Quand il entend cette expression, il se retrouve fugitivement projeté à Tian’anmen. Avec sa petite chemise blanche ou son tee-shirt et il sait qu’il ne fait pas peur.
Heureusement, ce ne sont que des mots.

Reste qu’ « En tant que » suscite une chaînes-réaction. L’interlocuteur se voit happé par la force et l’évidence d’une autorité. 
Pourtant on a tout dit, on a rien dit. 

« En tant que maire » Oui, mais quel maire êtes-vous ?

Il faut pourtant être bien blindé pour répondre à celui qui semble nous mettre sur la table le fond de son cœur ou de son identité professionnelle.


Bien sûr, il se souvient qu’il convient toujours de dire d’où on parle. Les conventions nous somment de dire qui nous sommes. Une forme de politesse et d’aide à la compréhension.
« D’où parles-tu, camarade ? »
Entre question polie et policière.
(Et puis s’il faut toute une vie pour savoir qui on est, on n’est pas rendus)

En tant que parent.

En tant que simple citoyen.

En tant que fonctionnaire.

En tant que syndicaliste.

En tant que jeune.

En tant que petit chef d’entreprise.

En tant que gréviste.

En tant que retraité.

En tant que président (et les douleurs du « En même tank »).

Il pense à cette tarte à la crème de l’anaphore « Moi, Président ». « Moi, en tant que président », ça n’aurait pas marché. Moi, en tank. Cela aurait donné au camp de droite l’occasion, une fois de plus, de crier à l’arrivée prochaine des chars russes à la Concorde.

En tank ukrainien. En tank russe. Brrrr.

En tant que riche. Tiens, c’est plutôt rare comme précaution oratoire. De même qu’est rare la formule « en tant que milliardaire ».

Serait-ce que le pauvre doit dire qui il est et que le riche y voit une faiblesse ?

– D’où parles-tu, camarade ?
– De mon jet privé.