Barbara Kingsolver et des femmes dans la grande grève

Barbara Kingsolver est depuis longtemps Kingsolvable. Ses romans sont attendus, encensés, mainstream.

Avant cette fiction, l’autrice se cogna au réel. 

C’est un livre fondateur de son œuvre de fiction (elle le dit elle-même dans sa préface) qui sort ces jours-ci dans une première traduction en français. 

Il s’agit d’un reportage steinbeckien (auteur dont l’autrice vénère Rue de la Sardine) qui illustre le combat de femmes non illustres lors de la grande grève des mines de cuivre d’Arizona en 1983. Cela se passe à Ajo, Morenci, Douglas et Clifton. La compagnie Phelps Dodge propriétaire d’une mine de cuivre ne veut rien entendre des revendications des salariés : en aucun cas, les employés ne seront revalorisés ou bénéficieront de mesure de sécurité. No Way.

Face au rouleau compresseur de l’ère Reagan, par son travail journalistique l’autrice choisit de rendre hommage à celles qui résistent, tiennent des piquets de grève.
Face à ceux qui paient mal, elles se plantent en piquets bien déterminés, la justice sociale au cœur.

C’est l’œuvre d’une journaliste embarquée qui indiqua tout de suite quel était son camp dans un milieu agité. En face : des patrons sans pitié, une police aux ordres et sans frein avec ces types patibulaires de la DPS, des jaunes, des médias sensationnalistes et un gouverneur surnommé le briseur de grève.

Et puis ces mères, sœurs Courage. Plus présentes que les syndicats. Sans besoin du secours des Wobblies. Obstinées. Au point qu’un agent de police lança, dit-on «  Si seulement on pouvait se débarrasser de ces gonzesses, putain, on en aurait terminé. »

Holding the Line : Women in the Great Arizona Mine Strike of 1983. Cette traduction en français, plus de trente ans après sa parution originale, était indispensable.

C’est un témoignage qui se fait l’écho d’autrefois. On pense aux Raisins de la colère de Steinbeck (et à l’enquête journalistique qui a nourri son roman), à la Moisson rouge de Dashiell Hammett.

C’est un témoignage qui parle d’aujourd’hui. Il y a ce mouvement social. Il y a ces violences exercées par la police. Il y a cette pénibilité du métier incontestable et pourtant contestée. Il y a ces rapports conflictuels entre classes sociales, entre salariés et patrons, entre syndicats et salariés, entre ouvriers et ouvrières, entre Étatsuniens et Mexicains. 

On se dit que les choses n’ont pas changé. Dans ce sens où les gens ne se laissent pas faire.
Qu’ils mangent des tortillas, des haricots ou des pâtes, la fin du mois est difficile mais même si l’ambiance leur tord l’estomac des amitiés se nouent, des solidarités naissent.

Les travailleurs ne cassent pas, ils s’organisent.

Dans ce livre, il est question de ces femmes qu’on a traitées d’infâmes mais qui sont restées fameuses dans l’histoire américaine.

Avec des heures et des heures d’interviews archivées dans des cassettes, Kingsolver livre un témoignage émouvant, incarnée, plein d’espoir. Ces mouvements par leur ampleur ne sont pas qu’en pleurs. Ce n’est jamais un échec. C’est la preuve que le corps social n’est pas mort.

En magnifiant ces femmes dans leur ordinaire, dans leur courage – « j’suis personne en fait, juste une mère de famille » – Barbara Kingsolver offre un livre miné de bonnes intentions. Pas mineur. De fond.

https://www.lesbonscaracteres.com/livre/sur-les-piquets-de-greve

Traduit de l’anglais (USA) par Martine Aubert.

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