Dans ce calendrier de l’avent 2022, il y aura des écrivains déguisés en adjectifs. Ils se sont fait des noms tout seuls. On en a fait des adjectifs. Un inventaire à la Prévert avec ses ratons laveurs. Tout ça pour patienter avant de se voir offrir des livres à Noël.

Tous les romans argentins sont borgésiens.
Tous les Argentins descendent du bateau et de Jorge Luis Borges (1899-1986).
Messi lui aussi est borgésien (et pas que pour les circuits tortueux de son optimisation fiscale).
Comme Duras, Borges fait figure d’oracle de notre monde moderne. Notre avenir sera durassien ou borgésien.
Parmi les thèmes borgésiens on trouve le Livre, le Labyrinthe et le Temps.
Une nouvelle, Le Jardin aux sentiers qui bifurquent, écrite en 1941, publiée en 1944, dans Fictions, a été depuis longtemps utilisée pour parler de nos nouvelles technologies. C’est une façon de parler de l’hypertexte. Je clique ici, je clique là. Internet comme une toile aux liens qui bifurquent. Ou une façon de montrer une préfiguration des nouveaux médias et des labyrinTICs. Quant à la bibliothèque numérique et infinie, elle est forcément sublime et borgésienne.
Borges n’avait rien d’un Cyclope furieux (il n’était pas borgne, mais aveugle). Il transforma la grotte archaïque en repaire et en repère. Attaché aux grandes œuvres du passé, l’auteur argentin est une création du futur, un être Cy-Borges.
Borgésien, c’est le labyrinthe, ce sont les mélanges, les méandres et l’altitude intellectuelle. Du tortueux empreint d’érudition. Le Livre, La Bibliothèque et son marque-page borgésien (laissé par exemple dans la littérature dantesque sur laquelle il écrivit plusieurs essais).
Borgésien, c’est le dédale…et le jeu.
Messi, c’est la capacité à dribbler dans des espaces réduits, à circuler le long des murs cyclopéens des défenseurs.
Certes l’écrivain n’aimait pas le football. Mais l’adjectif tiré de son nom, si.
Le triomphe de l’Argentine à la coupe du monde est borgésien (et tant pis pour hitchcockien).
L’Argentine, dans un scénario aux ramifications imprévisibles, finit par l’emporter. Le stade comme un terrain aux sentiers qui bifurquent. Victoire/Défaite/Déctoire/Viefaite. Et Messi qui ballondort et attend tortueusement ses 35 ans pour gagner sa première coupe du monde.
Non, l’écrivain n’aimait pas le football. Justement une de ses nouvelles, Esse et percipi, parle de ce sport. J’y reviendrai.
‘Les fleuves’* Jorge Luis Borges (1899-1986)
‘ Nous sommes temps. Nous sommes la fameuse
Parabole d’Héraclite l’Obscur,
Nous sommes l’eau, non pas le diamant dur,
L’eau qui se perd et non pas l’eau dormeuse.
Nous sommes fleuve et nous sommes les yeux
Du grec qui vient dans le fleuve se voir.
Son reflet change en ce changeant miroir,
Dans le cristal changeant comme le feu.
Nous sommes le vain fleuve tout tracé,
Droit vers sa mer. L’ombre l’a enlacé.
Tout nous a dit adieu et tout s’enfuit
La mémoire ne trace aucun sillon.
Et cependant quelque chose tient bon.
Et cependant quelque chose gémit. ‘
Note *: traduction issue du net
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