Calendrier de l’avent : 13/25 Rabelaisien

Dans ce calendrier de l’avent 2022, il y aura des écrivains déguisés en adjectifs. Ils se sont fait des noms tout seuls. On en a fait des adjectifs. Un inventaire à la Prévert avec ses ratons laveurs. Tout ça pour patienter avant de se voir offrir des livres à Noël.

François Rabelais (vers 1494-1553) a donné l’adjectif « rabelaisien ».

C’est un adjectif sous-marin, qui cache une réalité moins drôle.

Rabelaisien, c’est souvent du sous-marrant, du facile, du sous-la-ceinture, du saoul-la-table.

Rabelaisien ce devrait être truculent, inventif, accumulatif. Rabelaisien, c’est une question de style, de verve. Rabelais jouait avec les étymologies latines et grecques. Aujourd’hui, rabelaisien a pour ancêtre, gaulois. La gauloiserie. Le gag gras. (on exemptera de ce gauloisbashing, le banquet d’Astérix et Obélix qui a bien son exubérance rabelaisienne).

Au lieu de la quintessence de Rabelais, on se contente de l’effet. Si ça fait rire aux larmes, c’est rabelaisien. La quantité de larmes, pas la qualité.

Montrer ses fesses, c’est rabelaisien. Rabelaisien, c’est l’adjectif qui reste quand on tout essayé pour être drôle.

Ici ou là, dans la presse, dans la discussion, beaucoup de situations qu’un panurgisme de mauvais aloi a conduit à noyer le sens original de l’adjectif, à éteindre sa flamboyance. Il y avait de l’érudition dans le rire rabelaisien.

Entre le mauvais goût et le rabelaisien où est la frontière ? Pour être rabelaisien, il ne suffit pas de manger ou d’être à table. Avec rabelaisien, on retrouve les mêmes limites qu’avec l’adjectif pagnolesque, les mêmes abus.

Un physique rabelaisien peut aider à endosser le costume, à crédibiliser le discours. L’adjectif ne vient toutefois pas qu’en mangeant. Accoler cet adjectif à telle ou telle personnalité ne suffit pas à la rendre sympathique.

Aujourd’hui, le roman rabelaisien existe. Il est baroque, entre bonne chère et deux mets, il aime les mots rares.
Rabelaisien et rare. Pour atteindre la substantifique moelle du mot (et encore), il ne faut pas moins de quatre noms dans le dictionnaire historique de la langue française : « gai, licencieux, grivois, truculent ». Chaque nom couvre sans doute un Quart Livre.