Calendrier de l’avent : 10/25 (et Joyeux Nobel) Ernausien

Dans ce calendrier de l’avent 2022, il y aura des écrivains déguisés en adjectifs. Ils se sont fait des noms tout seuls. On en a fait des adjectifs. Un inventaire à la Prévert avec ses ratons laveurs. Tout ça pour patienter avant de se voir offrir des livres à Noël.

Le prix Nobel reçu cette année 2022 va multiplier l’usage de l’adjectif ernausien.

C’est un adjectif en formation. C’est un adjectif qui s’étoffe, qui s’internationalise.

Laissons aux tristes sires – il y en a dans les médias – qui ne voient dans ernausien qu’une seule promesse, en anagramme : « s’ennuiera ». La lire, ce sera s’ennuyer, prétendent-ils. Du fond de leur conservatisme rance, ils ont peur d’une prétendue Mère Matrie qui viendrait tout saper, voire tout castrer.

Avec ce social qu’elle met sur la table, les arbitres du bon goût et des élégances littéraires s’offusquent. « J’écris pour venger ma race ». En écho à la formule rimbaldienne : « Je suis de race inférieure de toute éternité. » Oui, l’ernausien renverse la table.

Devenir écrivain, « au bout d’une lignée de paysans sans terre, d’ouvriers et de petits commerçants, de gens méprisés pour leurs manières, leur accent, leur inculture » et réparer l’injustice sociale de la naissance.

Des sujets pas nobles disent Les Dr ‘Rnaux qui disent toujours No à la légimité de ce Nobel. Comme si l’écriture de soi les gênait chez d’autres. Un soi bien universel, en ce qui la concerne.

Avant cette promesse de venger sa race, comme le dit Annie Ernaux, le doute s’était immiscé avec la lecture d’un récit kafkaïen. « Je ne pouvais lire « la parabole de la loi » dans Le Procès, de Kafka, sans y voir la figuration de mon destin : mourir sans avoir franchi la porte qui n’était faite que pour moi, le livre que seule je pourrais écrire. »

L’édifice ernausien serait bâti sur une écriture blanche, sans maniérisme. Bâti à la force du caractère et de la détermination.

Au sujet de son œuvre, on emploie l’adjectif Ernausien mais aussi Ernalien. -Lien comme une partie de ce tissu social, sans cesse à rafistoler.

L’obtention du Nobel de Littérature va-t-elle confirmer la coexistence des deux adjectifs ? Ou l’un prendra-t-il le pas sur l’autre ? Peu importe, l’important, c’est de lire Annie Ernaux. De lire du Ernaux, comme on dit du Flaubert.