
C’est la huitième lettre de l’alphabet grec. L’une des plus graphiques. Θ, θ. Sa majuscule ressemble à un bouclier. Une lettre qu’on a envie d’empoigner.
L’origine de cette lettre serait une roue ou une ville fortifiée et protégée, d’où l’analogie avec le bouclier.
Un bouclier pour parer tous les angles d’attaque. Et justement cette lettre de la langue grecque sert à désigner un angle en géométrie.
Un bouclier pour se protéger, se rassurer. Et justement les ondes thêta produites par le cerveau aident à réduire l’anxiété.
Le thêta est un bouclier qui protège mais qui a ses limites. Dans l’Antiquité, la lettre symbolise Thanatos, La Mort. Le poète latin Perse parle de la lettre noire, fatale.
Thêta, tout est vanité.
Dans la langue française, derrière ce bouclier grec, on découvre des -th. Avec ce th, c’est tout le monde grec qui se rappelle à nous : mythe, mythologie, théogonie, polythéisme, Athéna, Thésée, Thetis, Ithaque (Tic-Tac…hâte-toi), Thrace, Thanatos, panthéon, théâtre, catharsis, Démosthène, Thalès, Pythagore…
Thêta se la joue moderne. La lettre investit maintenant les métaverses, le monde des jeux vidéo et des cryptomonnaies. Sur ce monde planent les accidents industriels, les faillites, le passé de mode : thêta ou la thanatos numérique. Avec Thanatos, ouf, tout se composte, tout se recycle.
Bonjour 👋
< Un bouclier pour parer tous les angles d’attaque.
…
Elle croyait voir, par-dessus son épaule,
des vignes et des oliviers,
des cités de marbre bien gouvernées
et des navires sur des mers indomptées.
Mais là, sur le métal étincelant,
ses mains avaient mis à la place
un désert artificiel
et un ciel pareil à du plomb.
Une plaine sans caractère, nue et brune,
pas un brin d’herbe, rien qui annonce un lieu habité,
rien à manger, et nul endroit pour s’asseoir ;
et pourtant, assemblée dans ce néant, se tenait
une multitude inintelligible,
un million d’yeux, un million de bottes alignées,
sans expression, attendant un signal.
…
Elle croyait voir, par dessus son épaule,
des rites de piété,
de blanches génisses enguirlandées de fleurs,
des libations et des sacrifices.
Mais là, sur le métal étincelant,
où l’autel aurait dû se dresser
elle vit, à la lueur dansante de sa forge,
une tout autre scène.
…
Elle croyait voir, par-dessus son épaule,
des athlètes occupés à leurs jeux,
des hommes et des femmes en train de danser,
agitant leurs jambes gracieuses,
vite, vite, au rythme de la musique.
Mais là, sur le bouclier étincelant,
ses mains avaient mis non pas une piste de danse,
mais un champ envahi de mauvaises herbes.
Un galopin en haillons,
désoeuvré et solitaire,
rôdait autour de ce terrain vague, un oiseau
s’envola pour échapper à sa pierre bien ajustée ;
que les filles se font violer,
que deux garçons en poignardent un troisième,
c’étaient des axiomes pour lui,
qui n’avait jamais entendu parler
d’un monde où les promesses étaient tenues,
où l’on pouvait pleurer parce qu’un autre pleurait.
L’armurier aux lèvres minces,
Héphaïstos, s’éloigna en claudiquant.
Thétis à la poitrine étincelante
poussa un cri d’épouvante
devant ce que le dieu avait forgé
pour plaire à son fils, le puissant
Achille au cœur de fer, le tueur d’hommes,
qui n’allait pas vivre longtemps.
…
..
.
< Dans la langue française, derrière ce bouclier grec ( … )
De Wystan Hugh Auden, aussi nommé W. H. Auden ( 1907 – 1973) , pour “The Shield of Achilles”, ou , du ‘ Le Bouclier d’Achille ‘ … comme un rappel ?
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