
Le traductor passe à travers l’huis clos d’une langue. Il est discret. Il peut s’appeler, au hasard des lectures : Deodat Serval, Régis Boyer, Anne Colin du Terrail, Maurice-Edgar Coindreau, Philippe Bouquet, Danièle Valin, Marc de Gouvenain, Laura Derajinsky, Lena Grumbach, Josée Kamoun, ou Juliette Bouchery, Michel Delarche et M Tessier.
Le traductor est incognito. Sa couverture, qui le planque bien, c’est l’auteur (sauf si le traducteur se nomme Baudelaire, Giono, Mallarmé, Maspero ou Triolet).
Il met au clair une langue étrangère et interprête sa plume pour l’amour des mots. Il faut lui rendre justice (pas l’y traduire) : celui qui trad8 fait du neuf (et il a du boulot quand il s’agit de La Disparition et qu’il y a Perec en la demeure). Avec le traductor les langues ne sont pas pendues mais mêlées, liées, reliées : d’une langue à une autre, à sa table de travail, dans une sorte de ping-tongue.
Le traductor a besoin des mots, des mots tout prêts, précis, précieux : ce qui est traduit n’est pas gratuit, mais gratté des heures durant pour atteindre la substantifique moelle de l’écrivain. Il faut qu’il lisse, c’est là qu’est l’os.
Le traductor baise ses mots. Il recherche la traduction fluide, sans traces d’adduction. Il n’enlaidit pas, mais flagrant délie un texte de sa langue d’origine dans un remarquable tour de passe-passe. C’est un agitateur de prestige qui, sans qu’on s’en aperçoive, sort une langue de ses langes.
Le traductor ne tourne pas la page, il la tourne dans une autre langue. Grâce à sa plume la page franchit des frontières. La traductrice et le traducteur savent où ils vont : ils ont le permis de traduire, de voir grand, loin. Une traduction n’est pas une réduction, au contraire c’est une extension du domaine de lecture d’un livre. Grâce à lui, un livre se fait exemplaires, des millions d’exemplaires.
Pour traduire, il faut se mettre en transe. Pour lutter contre la page blanche, il faut avoir recours à des feuilles de laurier bien mâchées. Du lost in translation. Le traductor a beau la jouer Pythie, il a le traczir d’une mauvaise traduction. What a pity ! Il redoute qu’on le traite de sale traître et qu’on qualifie son travail de trouduction. Hélas, c’est souvent quand une traduction est jugée faible qu’on parle d’elle.
D’ailleurs on retraduit un texte, mais on ne demande pas à un auteur de réécrire un texte qu’il a déjà publié.
Serait-on plus exigeant avec un traducteur qu’avec un auteur ?
Bonjour, 🙂
C’est une étonnante expression, jouant du son : ‘ Traduttore , Traditore ‘ * !! Pour vouloir dire, toute la trahison d’une traduction …
Il n’est pas impossible, qu’elle revienne finalement … au français, de Joachim du BELLAY ( 1522-1560 ) :
« Mais que diray-je d’aucuns, vrayement mieux dignes d’estre appelez traditeurs, que traducteurs? veu qu’ils trahissent ceux qu’ils entreprennent exposer, les frustrans de leur gloire, et par mesme moyen seduisent les lecteurs ignorans, leur monstrant le blanc pour le noir. »
* : https://fr.wikipedia.org/wiki/Traduttore,_traditore
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Admettons …
Et si c’est un ourson allemand qui nous explique le MONDE … traduit par un gentil Mr POMSEL
Alors, … vous qui l’entendez, … qu’avez-vous compris ?
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