La rivière et Stephan Eicher

Il écoute régulièrement des chansons de Stephan Eicher. Et ça lui plaît de se livrer à des exercices d’admiration comme s’y livrait avec gourmandise le cinéaste Bertrand Tavernier (Tavernier ou l’art enivré).

Eicher. Sa pop franco-anglo et tous ses dialectes lui plaisent depuis longtemps. Question de génération. Il a vu éclore ce talent. Quand les textes sont de Philippe Djian, ils frappent souvent juste. Je cherchais dans les livres de quoi patienter un peu. Cordes et piano ne gâtent rien. Un accent inimitable et une discrétion médiatique parachèvent le personnage.

Tout est parti d’un pressentiment. La rivière serait un thème dans l’univers musical de Stephan Eicher/Philippe Djian (musique, chant et paroles). 
Bien sûr, rien d’extraordinaire. La rivière est un thème courant, inépuisable depuis que le monde poétique est monde poétique et qu’Héraclite s’est baigné dans son fleuve au moins une fois. Non, il songeait à une petite enquête poétique, à une micro thèse buissonnière pour tester une impression fugace. Et puis il lui était déjà arrivé de travailler sur un objet d’étude pédagogique proche : Dire le remous

Il s’agissait donc de trouver des preuves à une impression confuse. Sa mission : prouver que ce thème est cher à ce duo profond et brillant au soleil de la pop musique française ?

Un travail d’orpailleur débuta. Il s’agissait de chercher, avec, pour tout matériel de dragage, une familiarité avec l’œuvre de Stefan Eicher et quelques sites à lyrics. Je n’ai pas d’autres tamis comme toi, oh non non.

Il comprit vite que la présence de ce thème lui était suggéré par un air familier, une chanson célébrée : Rivière (2007, album Carcassonne).

J’attends à la rivière
Je surveille le chemin
Je n’ai rien d’autre à faire

Une chanson simple, limpide que son auteur, Philippe Djian, mit vingt fois sur l’ouvrage et cinq ans à écrire. La simplicité, c’est long.
La rivière, sa berge, cette petite suave mari magno, qu’il est doux de laisser ses pensées défiler dans l’onde du courant, tout en gardant l’œil sur ce qui vient par la route. Un carrefour qui mêlerait terre et eau.

Djian’s Walz (1991, album Engelberg) est une chanson qui envoie tout valser et signifie qu’assez c’est assez et quand c’est cassé, c’est cassé. « Il n’y a plus rien à répondre, / Il n’y a plus rien à dire. »

Quand les berges s’effondrent
Il n’y a plus de rivière

Il y a, plus récente, cette magnifique chanson qui parle d’amour et de prison (tiens, ça rappelle ce poème de Prévert) qu’il découvrit d’abord en live sur le plateau d’une émission de radio : Prisonnière (2019, gravée plus tard sur l’album Homeless songs)

Donnons-nous rendez-vous à la rivière
Donnons-nous rendez-vous à la rivière
Lavons-nous de la boue
Lavons-nous de la boue

Là encore, la rivière est une station, un lieu de rencontre. Elle se fait cette fois-ci salvatrice, purgatrice, réparatrice. Une station d’épuration ? Non, un bain de boue, sans boue.

À draguer la rivière, parfois on déniche des étrangetés, en matière de référence décalée, de thématique cochée en un pas de côté. Manteau de gloire (2007, album Carcassonne). Une chanson dans laquelle les chœurs sont assurés par la chanteuse Véronique Rivière. L’or des mots. Une chanteuse qui s’y connait en univers marin, elle dont la chanson Capitaine fit les beaux jours des ondes pops (1989, album Véronique Rivière).

La rivière est un thème classique de la chanson franco-anglo et tous ses dialectes. Si Stefan Eicher n’a pas chanté Many rivers to cross ou autre Cry me a river, il a interprété Can’t help falling in love rendue célèbre par un certain Elvis Presley.

Like a river flows
Surely to the sea
Darling, so it goes
Some things are meant to be

En cherchant encore, en délaissant les chansons pour les romans, c’est du côté de l’œuvre de Philippe Djian que quelques clés tombèrent encore. L’écrivain a réalisé une trilogie (Assassins, Criminels, Sainte-Bob). Ses héros vivent au bord de la rivière Sainte-Bob. Une rivière fictive, à situer peut-être du côté de la frontière canadienne.

Lors de son passage à l’émission Popopop d’Antoine De Caunes, Stephan Eicher intégra à sa playlist, un court-métrage de Robert Enrico, adapté d’une nouvelle d’Ambrose Bierce. Cette œuvre s’intitule La rivière du hibou. Elle a été primée à Cannes (1962) et aux Oscars (1964) et devint un épisode de la 4ème Dimension.

Le résultat de ses recherches donne de l’eau à son moulin. Il peut désormais écouter Stephan Eicher en paix.

2 commentaires sur “La rivière et Stephan Eicher

  1. Bonjour, 🙂 à ceux qui suivent,

    «  »Hüh! », … c’est en bonne compagnie de 12 musiciens de la fanfare tzigane Traktorkestar, artistes exilés de l’ex-Yougoslavie, parvenus après un long voyage, en terre Suisse … au canton de Berne.
    Eicher, est parfois surnommé ‘homme du souffle et du mot qui passent’ … et tels qu’en passant pour cette fois, c’est au pas …

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  2. Offert nouveau, c’est ‘Une euphorie avec une espèce de lumière’ … comme un cadeau poétisé de ce que l’on voudrait d’attentions … pour soi et les autres …qu’en dit Eicher …à « Dia » !  »

    Avec amicales salutations

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