Le rire de Shane MacGowan

Au moment où s’annonce, en juin, en France, la sortie en salle du documentaire qui lui est consacré : Crook of Gold de Julien Temple (produit par son ami Johnny Depp), c’est l’occasion de faire entendre le rire de Shane MacGowan.

Un rire aux accents london-irish.

Un rire qui traversa longtemps un cimentier dentaire, sans doute déclenché et déchaîné par les démons enfouis dans l’âme de MacGowan. Le rire de Shane, c’est un rire en chaîne, communicatif. Un cadeau, un peu étrange, oui, de la part de cet homme né un 25 décembre.

Les dents sont là, le rire demeure. Et une forme de joie, de lumière qui passe à travers une fêlure. In Shane, insane ?

Dans cette mémoire de la scène punk-folk-rock des années 80, il y a de la musique, de l’alcool, de la drogue, des concerts enfiévrés, d’autres improvisés, du bruit, de la sueur, des rires et des larmes. Et l’Irlande qui coule à flots. N’en déplaisent, alors, aux arbitres du sang irlandais.

Le tin whistle siffle pour accompagner le rire de Shane.

Sur cette carrière plane une prise de substances, sans laquelle les Pogues auraient sans doute été meilleurs, mais moins fêlés.  
Une prise qui fait l’alchimie. De l’artificiel, pas le paradis des ratiches. Pas de prise au sérieux. Tant pis, tant mieux ?

Tant se sont cassé les dents à vouloir être quelqu’un. Lui, sans dents ou presque, est devenu une légende. Il avait commencé par perdre un bout d’oreille lors d’un concert des Clash et, MacGowan, il le sera jusqu’à la dernière dent du dernier loup irlandais, la dernière dent du dernier républicain.

Il y a le punk à chien et l’esprit punk à Shane. Et ce rire de celui qui s’amuse d’être encore là. Une légende. Vivante. « Si je voulais vraiment mourir, je serais déjà mort. »

Le rire de celui qu’on avait enterré à 40 ans. Il en a eu 60.
Rimbaud n’en a eu que 37 et il y a tant d’étoiles filantes dans le Club des 27.

Lui il est toujours vert, de cet Irlande qu’il chérit. Entre politique et musique. Entre Sinn Féin et Shane Fan.

Il n’a pas un rire condescendant. Un rire simple, clair. Enfantin. Dieu a regardé cette petite maison en Irlande et a dit : « Ce petit garçon, c’est celui que je vais utiliser pour sauver la musique irlandaise »

Ses chansons réverbèrent de ces verbes communs : Fighting. Drinking. Living. Dying.
Je me presse de rire de tout. Lot of Laughs.

Et le rire le plus étrange de la musique folk-rock-punk. Souvent décrit.

Avec ou sans dents, du fond de ce tunnel, résonne un cri archaïque. Il rit d’un rire qui siffle, comme un crotale, comme un rattlesnake. Comme une chaîne mal graissée. Le rire d’Ernest dans Rue Sésame. Comme un ballon crevée qui se dégonfle. Comme du Canal+ qui passe soudain en crypté. Comme une tondeuse à gazon qui heurte soudain une pierre. Comme les crachotements d’un talkie-walkie. Comme un vélo qui déraille. Comme un sac de petites pierres qui roulent et qu’on remue. Comme une aspiration de salive chez le dentiste. Comme le rire de Diabolo dans Les Fous du volant. Comme un merle gros fumeur. Comme le sifflement d’une machine à expresso qui attendrait le whisky. Comme un rire qui s’écroule. Comme un rire pas commun. Comme un rire qui nous est cher et qui ne s’est pas tu.

Un rire qu’on ne peut décrire qu’à quelqu’un qui l’a déjà entendu.

Un rire à entendre en salle, en juin, pour contribuer à abattre les cloisons du covid. Espérons.

À 4mn40…

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