Histoire de l’art et histoire de lire

Il se souvient du roman-enquête sur le tableau de Van Eyck, Les Époux Arnolfini. Il en avait parlé là : L’Affaire Arnolfini n’est pas un scandale politique.
Pourquoi ne pas lire une fois de plus un roman tout en faisant un peu d’histoire de l’art ? Une lecture érudite et rudement agréable. On peut essayer avec La femme moderne selon Manet, aux éditions Henry Dougier (2021). La collection ad hoc s’intitule Le roman d’un chef d’œuvre.
Dans La femme moderne selon Manet, le chef-d’œuvre c’est l’Olympia que le peintre exposa en 1865.

Il l’exposa et ça explosa dans le Landernau bourgeois.

Le point de vue adoptée par l’auteur est celui de Victorine Meurent (1844-1927). Elle fut modèle de Manet pour Mlle V. en costume d’Espada et Le Déjeuner sur l’herbe. Elle pose à nouveau pour lui pour son Olympia.
C’est elle qui raconte via le procédé que l’auteur choisit : un journal intime. Ses notes (réflexions, sentiments, choses vues) commencent un 20 décembre 1862. Elles s’achèvent dix ans plus tard.

Victorine Meurent parle de sa relation compliquée avec Manet. Elle relate leurs propos sur la peinture, elle rapporte ces sublimes propos de comptoir au café Guerbois où se mêlent les voix de Fantin-Latour, Renoir, Whistler, Baudelaire et d’un jeune ambitieux nommé Zola.

Victorine Meurent parle des salons d’exposition et des tourments auxquels s’expose Manet quand ses tableaux sont retoqués ou exposés… dans Le Salon des refusés. Quant à la critique artistique elle est aisée, on le sait.

Déjeuner sur l’herbe

Beaucoup de tableaux mènent Manet au scandale : Le Déjeuner sur l’herbe et Olympia. Victorine Meurent parle de ces œuvres qui firent naître tant de clichés avant qu’elles n’acquièrent leur statut de chef-d’œuvre. En attendant le jugement de la postérité, le parfum de scandale est une odeur de soufre qui fit souffrir l’artiste. L’art triste.

Tableaux trop modernes. La mode des sujets mythologiques n’est pas encore passée (maintenant ça y est et on n’y connaît plus grand chose, hélas). Les visiteurs passent devant le tableau et ces chiens aboient. Ils sont féroces dans leurs quolibets. Ils s’exclament et s’esclaffent.

À l’instar de son regard sur les tableaux de Manet, les mots de Victorine Meurent interpellent. Elle n’est pas qu’un modèle qu’on pose là et qu’on modèle. Elle n’a rien d’une potiche.

Modèle.
Avec ces quelques mots d’elle romancés (qui s’ajoutent à d’autres œuvres romancées qui l’ont prise pour sujet), elle reste et elle restera, pour emprunter la devise latine de Manet, inventée par l’éditeur de Baudelaire: Manet et manebit.

Modèle et artiste. Elle deviendra elle-même peintre.

Une femme moderne.

C’est un livre court, qui fait une grande part aux dialogues et vous offre une lecture ambitieuse et donne de la vie, de la chair, une voix à un chef-d’œuvre de la peinture française.

La femme moderne selon Manet d’Alain Le Ninèze, aux éditions Henry Dougier (2021)

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s