Carnet de correspondance (Va d’l’Avent, 17/25)

Et si on faisait une petite prose ? L’objet en poésie, ça vous dit ? On y parlerait d’objet d’admiration pour oublier les objets de consommation. Et ce ne serait pas triste. Des textes à la manière de Francis Ponge. Vous avez vu ? Le dernier mot qui m’a servi était Ponge.

À quoi rêvent les carnets de correspondance pendant les vacances de Noël ? Quand toute correspondance a cessé, sauf celle du Père Noël.

C’est comme un ongle, un carnet. Il faut en prendre soin. Il peut s’abîmer car, tout comme chez le fonctionerfs, il y a des limites à sa flexibilité.

À la longue. Sur une année. Pas souple, quoi. En juin, les carnets ont des troubles musculo-squelettiques : ils ont des problèmes de liaison, de correspondance, d’articulations. « J’peux plus marquer, j’peux plus arquer. »

Le professeur, lui, a toujours un mot à dire sur le carnet.

Bizarrement, alors qu’on parle si volontiers de l’état du monde, on parle bien peu de l’État du carnet. Pourtant, le prof le prend, l’élève le garde, le parent le consulte. Et tout ça chaque jour et plusieurs fois par semaine. De quoi alimenter une géopolitique du carnet en lien avec les enjeux de l’Éducation.

C’est dans le silence médiatique qu’en fin d’année le carnet se retrouve bien fatigué.

Le carnet est un portrait vivant.

Certains carnets sont des journaux intimes. On y retrouve des photos d’amis, de frères, de sœurs. Parfois même, alors que le professeur s’apprête à mettre un mot, le voilà qui tombe sur la photo d’un qui bave. Un ami ? Un frère ? Non, un gros chien.

Encore sémillant chez les élèves studieux, le carnet fait souvent peine à voir sur les bureaux. Il relève alors du CHSCT (Comité d’Hygiène et de Sécurité du CarneT).

Il y a une typologie du carnet.

Un carnet peut comporter la trace de la poisse de l’année. Son propriétaire s’est fait repérer, surveiller, gauler. «Papier collant / Ça impressionne». Englué dans ses problèmes scolaires, l’élève, après avoir arraché discrètement des feuilles, rêve que toutes ses pages s’auto-collent entre elles. C’est le carnet des Mousquetaires : Toutes pour une !

D’autres élèves torturent véritablement leur carnet. Ils l’écrasent au fond du sac, le font tomber de leur bureau, le mâchouillent, le consultent fiévreusement pour un oui pour un non ou le tordent sous l’effet de la nervosité (ô diabolique carnet aux pages cornées). C’est le carnet de Lésions.

Il y a aussi les inclassables : le carnet a servi à frapper la tête de ses camarades, à caler un bureau, à noter des devoirs, à organiser une correspondance sans fin entre papa/maman et un professeur, à fabriquer un mégaphone pour la cour ou encore à servir de cornet à frites. C’est le carnet Transformers.

Il y a aussi le carnet plié en deux. Qui fait rire l’élève, pas le professeur.

Enfin, alors qu’il est si simple d’avoir son carnet, des élèves, sentant sa présence dans leur sac, deviennent comme possédés. Durant l’année, ces carnets ont connu l’Enfer. Ils ont été presque bouffés par des chiens, ont été abandonnés dans des ronces, ont été perdus au fond des toilettes, et bien pire encore. Celui qui les «touche Papier tue-mouches. Est moitié fou»

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