
Coupe sombre, c’est un livre court qui aurait mérité de figurer dans mon Tour du monde en romans. Au chapitre Europe et Suisse.
C’est tout d’abord un très joli objet. Petit livre, petit-poucet de poche aux éditions ZOE qui attire l’œil par un très gros plan sur une souche. Des stries, des interstices, le bois a séché et s’ouvre comme une page s’ouvre aux yeux du lecture, comme un esprit s’ouvre aux espaces de la forêt. Ou bien encore comme un espace s’ouvre aux esprits de la forêt.
Juger un livre à sa couverture ?
Coupe sombre, c’est le titre français. Accord serait son titre original. C’est du romanche traduit par Marie-Christine Gateau-Brachard. Mettant le lecteur sur la piste de la parabole, Le Vieil Homme et la forêt était le premier titre voulu par l’auteur Oscar Peer (un nom plein de bulles de Jazz, d’Oscar Peer à Oscar Petersson).
Dans ce Coupe sombre, l’écriture est d’une clarté absolue. Si, sur la couverture, le bois s’ouvre en étoile, cela n’annonce en rien des astérisques et leur lot de bas de page (quelques mots traduits du romanche, quand même). Une clarté absolue. Absolue mais pas au point de supprimer ce qui fait la Nature. Les plantes, les bêtes, les arbres sont bien là. Ce récit commence par un retour. Un homme revient dans son village après être sorti de la Case Prison. Un accident de chasse l’y avait conduit. Il revient au village vivre une vie sage. Il a désormais 65 ans. Il est de retour seul dans ce dernier point d’ancrage, ce lieu où il fait souche et parle à ses souvenirs dans sa solitude forestière. Il n’a pas reculé devant une coupe en terrain hostile. Enchevêtré dans son passé et dans un présent où l’irrationnel entrouvre un peu la porte, malgré son abattage, le vieil homme va se retrouver confronté à un véritable mikado fait d’une masse de troncs.
Extrait : « Un beau jour, il s’est mis à neiger. Ce n’était pas vraiment une surprise. Il savait que la neige viendrait, on pouvait la sentir dans l’air depuis une semaine. Alors qu’il travaille sous la pluie, soudain, un flocon de neige l’effleure et s’éloigne, puis d’autres encore. Ils sont d’abord gris et mouillés, mais deviennent vite plus épais et plus blancs. Ensuite, c’est comme un livre d’enfants : la forêt, une cabane et cette petite neige. »