À Bléville on espère une moisson rouge

 

À Bléville on espère une moisson rouge.

C’est drôle le nom de ce quartier du Havre où on s’agite en attendant les municipales.
Bléville, c’est un joli nom, camarade. D’autant plus quand il y a une campagne municipale livrant aux urnes le gouvernement du pognon de dingue et une opposition qui a le look coco.
Bléville, comme un symbole.
Bléville et ses joyeux drilles littéraires ne pouvaient faire cette économie de marché.

Au marché de Bléville on espère une moisson rouge.

La moisson rouge, c’est Dashiell Hammett.
Rouge est la couleur qui domine dans ce livre de Dashiell Hammett intitulé en vo Red Harvest. Moisson rouge. Parcours intéressant que celui de cet auteur, un temps briseur de grève au service de l’agence Pinkerton, puis coco même aux pires jours du maccarthysme. Jaune puis rouge.
Red Harvest, un roman noir et rouge, salué par Aragon qui n’avait pas que les yeux d’Elsa. Dans les années 20, l’IWW mène la grève et les patrons n’en mènent pas large. Le conflit généré doit vite être écrasé. L’écrasement c’est un nettoyage commandé, la sale besogne dans un monde corrompu.
Dans Moisson rouge, le lecteur explore une ville pourrie.

Gardez votre ville propre ! clament les affiches de Bléville dans le roman Fatale de Manchette (1977) (Fatale, la méchante de Manchette). L’auteur invente le nom de la ville. Bléville, jumelable avec Fricville. Quelques années plus tard voilà qu’elle réapparait dans L’Équipée Malaise de Jean Echenoz (1986). Manchette et Echenoz : influences, filiation. Lisant ce livre, Manchette en fut tout chnoze. A-il rêvé qu’il inventait ce nom de ville ? Il écrit une lettre à Echenoz témoignant de ce doute qui l’assaille. Et, toujours dans le doute, il ne s’abstient pas de consulter sa liste des codes postaux français. La ville n’existe pas. Ouf. (voir sa correspondance dans Lettres du mauvais temps)

Manchette, ça l’aurait sans doute amusé ce drôle d’endroit pour une rencontre politique. À Bléville, quand même !