44 jours : Qu’est-c’que j’peux foot ?

44 jours – The Damned United, un titre qui sonne bizarrement par ces temps de confinements. Ce livre parle de jeu aérien, de touche, de ligne à ne pas dépasser, de faute et d’une durée de 44 jours. Un vocabulaire qui pourrait presque laisser entendre qu’il s’agit bien de ce que l’on croit qu’il s’agit dès que l’on se branche sur les infos.

(p.192)« Tu as envie de ne plus jamais sortir de chez toi. » Euh.

Non, en fait c’est de foot qu’il s’agit. Le livre conçu comme du sport en chambre.

Mais d’une façon particulière. À la sauce soccer façon David Peace. Quand on a déjà lu Rouge ou mort sur cet entraîneur socialiste de Liverpool, Bill Shankly, ce 44 jours est l’assurance de passer un bon moment.

Le style Peace, c’est de vous mettre dans la tête du personnage. En l’occurrence Brian Clough, ancien joueur devenu entraîneur de Derby County puis de Leeds. Beaucoup de monologues intérieurs qui révèlent la complexité de cet entraîneur capable de faire d’un petit club un champion d’Angleterre puis une figure européenne, avant d’être froidement limogé puis capable d’entraîner une équipe qu’il déteste, une équipe de tricheurs, Leeds. Pour faire foot, il y a évidemment des récits de matchs, des highlights lyriques, ainsi que des litanies de noms de joueurs (l’inventaire des bateaux partant pour Troie n’a qu’à bien se tenir). Il y a des litanies et de l’italique, gymnastique des gimmicks : beaucoup de répétitions « sous le ciel gris et bouffi du Yorkshire », des répétitions en mode ternaire ou encore des anaphores. De la prose et de la poésie. Des retours en arrière. David Peace joue beaucoup avec les codes de la narration pour couper court à l’émolliente routine des entraînements et des matchs hebdomadaires. Y a pas que 90 minutes dans la vie ! Pari réussi.

Il y a ce duo, quasi couple achillo-patrocléen, que formaient Clough et Taylor. Anciens coéquipiers sur le terrains, devenus duo dirigeant la même équipe. Parce que c’était lui, parce que c’était moi, parce que c’était le foot.

Il y a aussi cette unité de temps : 44 jours. Elle donne une imminence au récit, comme un livre dont on sait que l’arbitre va tôt siffler la fin.

Et puis le portrait critique de l’Angleterre des seventies n’est jamais loin. C’est encore plus clair dans Rouge ou mort. Thatcher plane, rôde sur Elland Road.

Ce livre fut un (George) best seller. Il se souvient que David Peace, tel un barde ès soccer, allait réciter son Rouge ou mort dans les pubs embrumés pour faire tchiner les vers homériques avec les verres de Guiness. Ce 44 jours, lui, eut les honneurs d’une adaptation cinéma.