Un commentaire sur “A lire un 14 novembre

  1. ‘SYMPHONIE DE NOVEMBRE’ – Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz (1877 – 1939)

    « Ce sera tout à fait comme dans cette vie. La même chambre.
    — Oui, mon enfant, la même. Au petit jour, l’oiseau des temps dans la feuillée
    Pâle comme une morte : alors les servantes se lèvent
    Et l’on entend le bruit glacé et creux des seaux

    À la fontaine. Ô terrible, terrible jeunesse ! Cœur vide !
    Ce sera tout à fait comme dans cette vie. Il y aura
    Les voix pauvres, les voix d’hiver des vieux faubourgs,
    Le vitrier avec sa chanson alternée,

    La grand-mère cassée qui sous le bonnet sale
    Crie des noms de poissons, l’homme au tablier bleu
    Qui crache dans sa main usée par le brancard
    Et hurle on ne sait quoi, comme l’Ange du jugement.

    Ce sera tout à fait comme dans cette vie. La même table,
    La Bible, Gœthe, l’encre et son odeur de temps,
    Le papier, femme blanche qui lit dans la pensée,
    La plume, le portrait. Mon enfant, mon enfant !

    Ce sera tout à fait comme dans cette vie ! — Le même jardin,
    Profond, profond, touffu, obscur. Et vers midi
    Des gens se réjouiront d’être réunis là
    Qui ne se sont jamais connus et qui ne savent

    Les uns des autres que ceci : qu’il faudra s’habiller
    Comme pour une fête et aller dans la nuit
    Des disparus, tout seul, sans amour et sans lampe.
    Ce sera tout à fait comme dans cette vie. La même allée :

    Et (dans l’après-midi d’automne), au détour de l’allée,
    Là où le beau chemin descend peureusement, comme la femme
    Qui va cueillir les fleurs de la convalescence — écoute, mon enfant, —
    Nous nous rencontrerons, comme jadis ici ;

    Et tu as oublié, toi, la couleur d’alors de ta robe ;
    Mais moi, je n’ai connu que peu d’instants heureux.
    Tu seras vêtu de violet pâle, beau chagrin !
    Et les fleurs de ton chapeau seront tristes et petites

    Et je ne saurai pas leur nom : car je n’ai connu dans la vie
    Que le nom d’une seule fleur petite et triste, le myosotis,
    Vieux dormeur des ravins au pays Cache-Cache, fleur
    Orpheline. Oui oui, cœur profond ! comme dans cette vie.

    Et le sentier obscur sera là, tout humide
    D’un écho de cascades. Et je te parlerai
    De la cité sur l’eau et du Rabbi de Bacharach
    Et des Nuits de Florence. Il y aura aussi

    Le mur croulant et bas où somnolait l’odeur
    Des vieilles, vieilles pluies, et une herbe lépreuse,
    Froide et grasse secouera là ses fleurs creuses
    Dans le ruisseau muet. »

    Source: 😉 https://fr.m.wikisource.org/wiki/Symphonie_de_Novembre

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s